L'abandon / La séparation

LE COMPAGNON DES MERS

Lentement bercé par les remous de la mer,

Le splendide vaisseau termine sa course près d’une plage déserte.

Son bois de chêne, pourri par le sel, s’effrite et se disperse.

Plongeant son regard dans le lointain de l’horizon,

 Il se revoit encore, jeune corsaire, amenant à son bord

Une ribambelle de jeunes moussaillons, se croyant alors plus forts que l’océan.

Il se souvient de ces retours triomphants aux malles pleines d’algues et de poissons d’argent.

Mais ce dont il se souvient plus encore, ce sont ceux où les marins bredouilles regagnent le port, tristes, sortant des tavernes saoules, partant chancelant l’annoncer aux épouses.

Dans le silence de sa mort, il croit entendre le bruit infernal de la mer coléreuse qui se déchire et se fracasse sur sa coque rugueuse.

Il ressent avec rancœur la fraîcheur de l’eau insolente, souillant avec force le pont que venait de nettoyer le jeune mousse.

Où sont ses confrères, ces pécheurs endurcis qui ne seraient pas là sans lui ?

Ses compagnons, son âme, sa seule raison de vivre ?

 Où sont-ils passés, après tant d’années de dur labeur qui les ont liés ?

 L’eau le ronge, et bientôt celui qui l’a surplombé visitera les grands fonds.

Il laissera à la mer pour seul témoignage, un tonneau de rhum ne contenant aucun message.

Loin de l’autre côté de l’horizon, sans larmes et sans remords, au bord de la côte, les marins amarraient leur nouveau bateau.

Leboeuf Nathalie 23 mars 2005